Rassasie-nous !
Nouvelle pause Solennité, le Saint Sacrement, encore appelée Solennité du Corps et du Sang du Christ. La liturgie laisse faire du chemin, celui des disciples durant trois ans… pour passer de la multiplication des pains, à l’Eucharistie. Alors comment consentir ce raccourci ?
Mettre nos pas dans ceux des disciples et écouter, puis faire… « Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient, : cela faisait douze paniers. »
La méditation de l’Église sur une « multiplication » des pains opérée par Jésus s’offre à nous. Le récit de saint Luc pointe quelques détails hauts en couleurs.
Les disciples n’ont pas de mal à exécuter une parole de Jésus : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. » Pas de remarque, pas de question, pas de résistance. Tout semble aisé.
Ils attendent la suite. Que va donc faire Jésus ?
L’autre parole de Jésus aux disciples, la première qui les fait réagir : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » va les dérouter et les faire réagir… mais c’est sans compter sur Jésus… Il va les ouvrir à une autre faim, même s’il n’oublie pas celle des estomacs vides.
Jésus passe par les disciples pour nourrir cette foule de cinq mille hommes. Ils passent par eux, comme il passe par nous tous aujourd’hui. Il passe par… il traverse littéralement leurs réticences, leur intelligence, leur connaissance. Il passe par eux pour rejoindre les foules, le monde, l’humanité, d’âge en âge…
Le miracle de la multiplication des pains et des poissons saute à nos yeux autant par les chiffres, cinq pains, deux poissons, cinq mille hommes, une multitude de femmes et d’enfants non comptés ! et douze paniers … de reste. Les chiffres laissent dubitatifs, pas naïfs. Quelque chose a eu lieu, il s’est passé quelque chose, non seulement d’insaisissable mais de débordant, d’excès, comme d’un impossible à arrêter…
Le miracle des restes s’est inscrit dans notre foi. Ces douze paniers de restes deviennent Un Pain, Un Pain livré pour devenir Le Pain partagé, le Corps offert pour la multitude : « Reste avec nous, il se fait tard ! » L’impossible à arrêter depuis la Cène, l’impossible qui est passé par la mort, l’impossible qui passe par nous… « Ceci mon Corps, prenez ! »
« Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps !«
A nous de devenir Passeurs non de restes, de petits restes, mais du Pain, de l’Unique pain qui rassasie, le Christ ! Mais comment ? Ne serait-ce pas la vraie question de cette fête, pour repartir dans notre Galilée, horizon de l’impossible à ne pas vouloir arrêter ?
Passeurs d’être, passeurs de Vie, passeurs d’amour,
en recevant le Pain de la Parole,
le Pain vivant, le Pain substantiel,
en le donnant sans peur, sans réserve…