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Marguerite Waddington-Delmas, Mère Bénédicte

D’origine anglaise, protestante, mère de six enfants, veuve, telle fut Marguerite Waddington-Delmas, Mère Bénédicte, fondatrice des Bénédictines de Sainte Bathilde.
Suivons-la dans son itinéraire.

Issue de la grande bourgeoisie protestante, Marguerite Waddington est née le 9 août 1870 au château de Saint-Léger, près de Rouen en France, d’une mère anglaise et d’un père officier de l’armée anglaise, servant dans l’armée française. Elle est anglaise de naissance, française de nationalité.
Les Waddington, même s’ils sont réellement engagés dans la vie – y compris politique – de la France, restent britanniques dans leur manière de vivre, leurs habitudes, leur accent.
Arrivant après trois garçons, Marguerite fut sans doute tout particulièrement bien accueillie. Elle est élevée dans un milieu familial à la fois chaleureux et austère, profondément chrétien où le dimanche est vécu autour de la Parole de Dieu.

Epouse et mère

Le 28 mai 1890, Marguerite épouse Marcel Delmas au Temple de l’Etoile à Paris. Le jeune homme est récemment sorti parmi les premiers de l’Ecole Polytechnique. Le foyer s’agrandit au rythme joyeux des naissances : Robert en 1891, Renée en 1892, Madeleine en 1894, Raymonde en 1895, Georges en 1900, Jacqueline en 1906.

Ses enfants l’aimaient et la respectaient, tout en la craignant car elle était autoritaire. Leur père leur témoignait davantage de tendresse, cependant il ne prit aucune part à leur éducation religieuse, laissant cette responsabilité à sa femme. Monsieur Delmas était, comme beaucoup d’hommes de sa génération, un Protestant libéral et positiviste, éloigné de toute pratique religieuse.

A la naissance de Jacqueline, Marguerite a 36 ans. Sa vie d’épouse et de mère est une réussite. Hélas, le bonheur ne devait pas durer longtemps. Un an après sa naissance, la petite Jacqueline tombe gravement malade. Marguerite vit cette épreuve dans la douleur et la prière, prière à laquelle elle voudrait associer son mari, mais celui-ci lui avoue son impuissance – impuissance douloureuse – à pouvoir l’y suivre. Jacqueline meurt à Paris le 3 février 1907.
Grand chagrin pour la famille, ce malheur assombrit brusquement la vie de Marguerite. Elle ne se consola jamais d’avoir perdu cet enfant. Monsieur Delmas aussi fut profondément bouleversé. Sa manière de vivre se transforma peu à peu. Changement qui adoucit la peine de la jeune mère, elle-même soutenue et éclairée par sa foi chrétienne.

Mais la mort est entrée dans sa vie et va rapidement en marquer les étapes suivantes. En effet, à peine quatre ans après, le 5 août 1911, Marcel Delmas meurt à son tour, foudroyé par une maladie infectieuse. Marguerite l’accompagna avec tendresse tout au long de sa maladie, et, fidèle à la promesse qu’ils s’étaient faite l’un à l’autre, elle l’avertit de la gravité de son état. Avec toute la délicatesse de son cœur, elle choisit le moyen de la musique : elle convoqua à son chevet un groupe de musique de chambre dont il faisait partie, et c’est par l’Andante de la Sonate de César Franck qu’il comprit le message de sa femme et lui exprima sa gratitude.

Il avait 46 ans et la laissait seule avec cinq enfants mineurs, dont l’aîné avait 20 ans et le plus jeune 10 ans. Elle avait 41 ans.

Une page est tournée dans la vie de Marguerite Delmas : elle est veuve, seule pour assumer les responsabilités et les décisions concernant l’avenir de ses cinq enfants. Sa personnalité est grande et forte, forgée par sa foi, elle se conduit comme une femme de devoir et une mère attentive.

Puis, l’un après l’autre, les jeunes gens commencent à quitter leur mère et à se marier.

Vers la vie bénédictine

1914 : c’est la guerre. Madame Delmas, vaillante, généreuse, audacieuse, prend immédiatement part aux efforts nationaux. Elle offre son château de « Sans Souci », près de Sézanne dans la Marne, à la Croix Rouge comme hôpital auxiliaire de convalescence.

Pendant cette période, Marguerite est poursuivie par l’idée du catholicisme. Sa recherche reste cachée mais permanente. C’est fortuitement qu’elle entre en relation avec Dom Besse, moine bénédictin de Ligugé, sollicité pour donner des cours de latin à Raymonde.
On sait peu de choses des motivations qui la conduiront au catholicisme, mais elle-même racontera qu’un certain attrait existait en elle depuis son adolescence. Lorsqu’elle évoquait son entrée dans l’Eglise catholique, c’était, non comme une conversion qui serait survenue brusquement dans sa vie, mais comme une très longue évolution, l’aboutissement d’une profonde et douloureuse réflexion, un combat avec Dieu, et, en même temps, une attirance mystérieuse inexplicable.
Cet aboutissement était mêlé de certitudes et de grandes souffrances. Madame Delmas était attachée à sa foi, foi qu’elle avait transmise à ses enfants et sans doute réveillée en son mari quelque temps avant sa mort.

Lorsque la décision fut prise, elle se prépara au jour fixé de son entrée dans l’Eglise catholique avec émotion certes, mais sans retour en arrière. Le 24 juin 1916, elle communiait dans la chapelle des Bénédictines de la rue Monsieur à Paris et était confirmée le lendemain.
Deux de ses enfants entreront également dans l’Eglise catholique. Commence alors un long cheminement où naîtra peu à peu le désir de donner toute sa vie à Dieu et qui la conduira à fonder la Congrégation des Bénédictines de Ste Bathilde. Elle le vivra d’abord avec Dom Besse puis seule après la mort de celui-ci en 1920.
Vint en effet le jour où Georges, son plus jeune fils, s’étant engagé dans les chasseurs alpins, Madame Delmas se considéra dégagée de ses obligations familiales, et libre de choisir une voie plus personnelle. Et le jour de l’Armistice, le 11 Novembre 1918, fête de saint Martin, elle fit à dom Besse sa première demande de vie religieuse. Il temporisa à cause de Georges mais l’engagement intérieur était pris.

Au monastère

Ecoutons à présent une de ses petites filles, Yvonne :

« La place centrale occupée par ma grand-mère dans notre famille a marqué mes souvenirs d’enfance d’une manière à la fois naturelle et très exceptionnelle. Je ne l’ai connue que sous l’habit bénédictin car je suis née l’année même de son entrée dans la vie religieuse. Aussi loin que ma mémoire garde trace de son image, je la vois au parloir, sous son grand voile noir, le visage entouré du blanc de la guimpe.(…) Son allure majestueuse, ses manières anglaises peu démonstratives, sa réserve, nous imposaient le respect. Cependant l’attachement profond de mon père et de ma mère, semblable à celui de nos oncles et de nos tantes, créait autour d’elle une atmosphère d’affection familiale dont elle était le centre. C’est ainsi que, ne sortant jamais du couvent, elle groupait mystérieusement autour d’elle toute la famille. Elle nous réunissait chaque année entre Noël et le Nouvel An, ses enfants, ses petits-enfants et, plus tard, ses arrières-petits-enfants, pour un grand goûter préparé par les sœurs avec cadeaux, gâteries, brioches et chocolat chaud ! C’était une fête qu’aucun de nous n’aurait voulu manquer et dont la tradition se perpétua jusqu’à la veille de sa mort où nous fûmes environ cinquante, protestants pour la plupart, à nous rendre à son ultime invitation dans le grand parloir du rez de chaussée de Vanves.»

Mère Bénédicte meurt le 1° février 1952 dans sa 82° année. C’était alors la fête de Saint Ignace d’Antioche, martyr, et l’évangile était :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jean 12,24)

C’est cette phrase qui a été gravée sur sa tombe dans la crypte du monastère de Vanves.