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Soeur Bernard

Ce 23 avril, au petit matin, Sr Benard Domin est retournée au Père.
Elle aurait eu 101 ans le 3 juin !… comblée de jours !
A 90 ans, elle fréquentait encore assidument la bibliothèque, le nez dans le Targum !…. elle avait une passion du texte biblique.

Evocation de sœur Bernard, le 26 avril 2010

Lors des Obsèques de Sr Bernard, Mère Béatrice, Prieure de la Communauté a évoqué sa vie en rendant grâce :

Un très grand merci à vous tous et vous toutes qui êtes venus nous rejoindre pour accompagner notre sœur Bernard en cette Eucharistie qui précède son enfouissement en terre. Merci tout spécialement à vous qui nous avez aidé à la soigner dans sa longue période de dépendance. Comme nous, vous avez été touchées par l’amour et la paix qu’elle rayonnait. C’était joie de s’occuper d’elle.

Tourangelle née le 3 juin 1909 à Lorient, elle n’a pas connu son père officier, mort très peu de temps avant sa naissance. Une autre souffrance avait marquée sa petite enfance, la mort de son frère aîné tué à la guerre de 1914. Son autre frère rentra très jeune au séminaire, aussi eut-elle une enfance très solitaire prés de sa mère qui s’occupa entièrement de son éducation à Saint Avertin, ce lieu cher à son cœur.
Cependant elle fit du scoutisme et elle gardait aussi un souvenir lumineux de ses études aux beaux arts de Tours, qui avaient contribués à l’ouvrir à d’autres univers.
Très jeune, elle était animée d’une foi ardente et, à 20 ans, ayant découvert l’abbaye de Ligugé, elle s’engagea dans l’oblature.
Une année seulement, puisqu’elle découvrait la communauté de Vanves fondée quelques années plus tôt. Tout de suite, elle s’y sentit appelée.

Elle rentra donc le 4 octobre 1930.
Elle avait donc presque 80 années au service du Seigneur
Douée pour le chant elle fit des études de chant grégorien à l’institut catholique de Paris et fut maîtresse de chœur. Parallèlement elle exerçait ses talents de dessinatrice par la création d’images qui faisaient la joie de tous les premiers communiants.
En 1956, elle fut envoyée à Chemillé, au tout début de la fusion de notre Congrégation avec ce monastère fontevriste. Elle fut nommée prieure, et deux ans après le transfert de la communauté à Martigné laissa la place à M Daniel.
En 1965, elle fut envoyée une année à Ban-Me-Thuot, dans notre fondation du Vietnam. Elle revint chez nous et rendit bien des services : cours de Bible à l’hotellerie, responsabilité de l’oblature, atelier de collage d’icônes sur bois, jardin, lingerie.

Qui étais-tu pour nous Sœur Bernard notre doyenne depuis si longtemps ?
Sage, réservée, sévère parfois, tu avais un net penchant pour la solitude où tu aimais prier, lire, te cultiver. A quelques reprises en parlant avec toi, j’ai perçu que tu avais une vie intérieure très profonde, mais que c’était le secret du Roi.
A la fin de ta vie, dans une grande dépendance tout ce que tu avais accumulé intérieurement, en secret, s’est mis à exhaler son parfum.
Merci de nous avoir montrer le chemin de ce qu’est la vie monastique, d’avoir été notre ancienne.

 

CUEILLETTE de petites PAROLES de Sœur Bernard

Sr Céline, Infirmière de la Communauté, a récolté des perles auprès de soeur Bernard et en partage simplement quelques unes…

Notre sœur Bernard nous a quitté à l’aube de ce 23 avril 2010, alors qu’elle s’apprêtait à fêter ses 101 ans le 3 juin prochain, nous ne pouvons que rendre grâces pour cette longue vie de fidélité ( 80 ans de vie monastique ! ).
Ces trois dernières années, à travers sa dépendance importante du grand âge où la mémoire se recentrait sur les vieux souvenirs, elle nous a donné le témoignage d’une joie de vivre en toute chose, comme le moine humble de la Règle de St Benoît « content de tout » (RB 7,49). Joie de vivre, amour et humour ont marqué tous ceux qui l’ont approchée, sœurs, amis ou personnel soignant.
Vous avez été nombreux à manifester votre émotion et votre soutien à l’occasion de ce départ, en reconnaissance, comment ne pas vous partager « une cueillette de petites paroles » de Soeur Bernard recueillies au cours de ces trois dernières années, comme un testament plein d’humanité et de profondeur spirituelle ?…

Joie paisible de vivre…
Je jouis de ma tranquillité en attendant mieux !
dit-elle en contemplant le paysage printanier devant sa fenêtre

Un soir à ma question :

Vous dormez déjà ?
 Non, je reste dans le silence adoré… Il est si grand !

Est-ce que vous êtes heureuse ?
 Toujours !
Pourquoi êtes-vous heureuse ?
Parce qu e je me contente de ce que j’ai…

L’humour était souvent au rendez-vous dans la relation… les réflexions étaient toujours aussi surprenantes les unes que les autres lorsque nous lui adressions la parole.

Sœur Bernard ! C’est l’heure de dormir, c’est la nuit, le soleil va se coucher
 Votre raisonnement est très bon… mais le problème c’est qu’il est 8 heure du matin… le soleil qui se couche à 8 heure du matin… les journaux vont avoir de quoi raconter !

Le jour de Pâques :
Christ est vraiment ressuscité, Sœur Bernard ! C’est Pâques !
 Ah bon, Christ est vraiment ressuscité ?… Il a bien de la veine !

Un 9 novembre :
Bon Noël !
 Ah non, ce n’est pas encore , on est le 9 novembre…
Dommage… mais je te le souhaite quand même parce que d’ici-là j’pourrai bien oublier !…

Bien que par le passé, elle avait la réputation d’être plutôt sévère, nous l’avons vu petit à petit s’adoucir jusqu’à apprécier les marques sincères d’affection :

Est-ce que vous aimez les bisous ?
Les bijoux ?
Non, les bises ?
Oh oui ! Oh oui ! à la folie !

A vivre à ses côtés au quotidien, le plus marquant a peut-être été de recueillir au jour le jour des perles de sagesse spirituelle :

J’ai essayé de te montrer ce qu’est Dieu pour moi… je crois que j’y suis arrivée !
Et qui est Dieu pour vous ?
C’est TOUT !!! (en ouvrant grand les bras)

A quoi méditez-vous ?
Au bonheur d’être au Seigneur !

A quoi pensez-vous ?
Je pense à ce qui est vrai…
C’est quoi qui est vrai ?
Je pense au Seigneur Jésus qui est venu pour nous montrer ce qui est vrai.

Elle était même de bon conseil spirituel !

Il pleut, mais vous, vous avez le soleil dans le cœur !
Ca c’est parce que je le veux !
Mais quelques fois on le veut et on n’y arrive pas !
Eh bien, il faut recommencer ! et petit à petit ça vient !

Vous êtes en direct avec le Seigneur ?!!!
Oui c’est ça…
Vous êtes souvent en direct, vous !
Oh… pas toujours… le Seigneur ce n’est pas une mécanique, on ne l’a pas comme ça. Mais quand on le désire très fort, ça vient toujours. Mais ce n’est pas toujours, car nos affaires prennent le dessus et on ne le rencontre pas.

Dans la tradition monastique, les pères du désert conseillent de s’attacher à « un ancien » ou à quelques uns pour prendre exemple et imiter la vertu principale de chacun. Chez sœur Bernard ce qui était frappant c’est l’absence de retour sur soi, le décentrement d’elle-même. Lorsqu’on lui demandait si elle avait bien « profiter » de la messe, par exemple, elle répondait bien souvent : « Oh, ça, c’est le Seigneur qui sait ! ».

Ou lorsqu’on lui manifestait une marque d’affection :
Vous êtes ma petite mère adorée !
Le Seigneur d’abord, n’oubliez pas ! Le principal, c’est que tu aimes beaucoup le Seigneur…

Une autre attitude qui revenait sans cesse, surtout le soir au coucher, c’est un véritable esprit de componction :

Vous êtes la plus heureuse des sœurs !
Ah ?!? Peut-être, parce que je ne mets pas ma joie en n’importe quoi.
Qu’est-ce qui fait votre joie ?
De faire plaisir à Dieu… les saints ont fait plaisir à Dieu.
Alors vous êtes une sainte !
Oh ça, je ne sais pas, parce qu’il y a bien des fois où je ne fais pas plaisir à Dieu…

Et votre cœur comment est-il ce soir ? Heureux ? triste ? en paix ? tourmenté ?
Oh pas tout à fait en paix.
Pourquoi ?
Je pense à tout ce que j’ai fait de mal… si je faisais le Bien, j’attirerai d’autres au paradis !

La communauté, comme la congrégation étaient vivantes dans son esprit…

Vous avez vu Mère Prieure ?
Oui, elle sort d’ici… elle est très gentille… tu me diras peut-être que c’est son métier !!!

vous ne dormez pas ?
Non, je n’arrive pas à dormir, ça m’arrive quelques fois, je repense à la journée… y’a des problèmes…
Ah… quels problèmes ?
Y’a des problèmes du côté des postulantes…elles sont deux, elles avancent, mais faut voir quel chemin…

Il y a eu des choses heureuses pendant ces 100 ans ?
Oui, il y a eu des choses heureuses, la congrégation est bien partie, je crois que c’est devant le seigneur que j’y penserai. En étant devant le seigneur et le questionnant, je crois que le résultat ne serait pas mauvais…

Notre congrégation a tout de même une allure particulière… toutes les sœurs ne ressemblent pas à toutes les sœurs !

La perspective de sa fin de vie était bien présente, elle était tout simplement prête :

Je crois que je suis à la fin de ma vie.
Vous êtes en paix ?
Je ne sais pas, j’attends, quand il voudra, comme il voudra.

A quoi pensez-vous ?
A la joie que c’est là haut au paradis !
Vous voulez y aller ?
Oui, pourquoi pas ??!!!

Oui, sœur Bernard, votre présence nous a donné de la vie… aujourd’hui encore vous nous invitez à regarder l’essentiel, ce qui demeure en vie éternelle. Merci de nous avoir partagé votre espérance !

 

 

Le 3 juin, Sr Bernard a eu 100 ans !

Doyenne de la Congrégation en âge (03/06/1909)
et en profession (14/04/1932),
Soeur Bernard fête ses 100 ans à Martigné ce 3 juin 2009.

Quelques lignes de Sr Céline, responsable de l’infirmerie à Martigné :

Quelle action de grâce en ce 3 juin 2009 !
Notre congrégation fête sa première centenaire au monastère de Martigné-Briand. (La deuxième viendra vite la rejoindre : Sr Pierre de Vanves le 30 décembre prochain !)
C’est une vraie joie d’entourer sœur Bernard pour cet heureux événement.

Aujourd’hui, à travers sa dépendance importante du grand âge où la mémoire se recentre sur les vieux souvenirs, elle nous donne le témoignage d’une joie de vivre en toute chose, comme le moine humble de la Règle de Saint Benoît, « content de tout » (RB 7,49).

Quand on lui demande ce que cela lui fait d’avoir 100 ans, elle répond avec humour :
« ça me fait rien du tout… pourtant c’est quelque chose ! les monuments qui ont 100 ans, on y fait attention !
Pour une vie humaine, c’est fort.
N’est-ce pas qu’on ne travaille plus quand on a 100 ans ?…
Les centenaires, ça a du succès auprès des gens… alors, il!!! » va bien falloir que je prenne la parole pour ne pas décevoir

Une fois, je lui demandais ce qu’elle faisait, et elle de me répondre : « Je reviens à ma condition normale, parce que je regardais le ciel où j’aurai ma vraie marche ».

Devant le panorama du paysage printanier de sa fenêtre de l’infirmerie, en prenant son petit déjeuner… (quoi de plus banal qu’un petit déjeuner…) elle s’exclame : « Regardez-moi ça si je suis bien !!! ».

 

 

 

Ou encore : « Ah, c’est long la vie… j’en raboterai bien un peu… mais si Dieu le veut, comme on dit… »

Mais aussi : « Je remercie le Seigneur de ne pas être morte avant d’avoir 100 ans. Je suis contente d’avoir atteint cet âge-là.
Il me donne tous les jours quelque chose, alors il faut bien que je dise merci tous les jours, il faut dire merci de tout, tout est grâce »
.

 

Oui, Soeur Bernard, vous nous donnez de la vie,
et en même temps vous nous invitez à regarder l’essentiel,
ce qui demeure en vie éternelle…

Merci pour tout !!!

Dessins réalisés par Soeur Bernard sur Jonas et le ricin.